Le cheval au Japon 日本の馬
Animal sacré
Importé d'Asie au IVe siècle, le cheval est un animal emblématique de la culture japonaise. Qu'il soit au cœur de rituels shintô ou de pratiques équestres militaires ancestrales, le cheval est l'animal sacré par excellence de l'archipel.
Le coursier des dieux
Le cheval est depuis toujours considéré comme la monture sacrée des kami, dieux japonais. Durant l'époque de Nara (710-794), la pratique du shinme, consistant à offrir un cheval en offrande votive à un sanctuaire pour servir de monture divine, se répand. Il était ainsi d'usage lorsd'une prière ou d'un vœu de présenter un cheval au kami du sanctuaire en signe de gratitude. Certains sanctuaires exigeaient même un cheval d'une couleur particulière selon la prière ! L’animal était associé au culte de lapluie. Il était de coutume d'offrir un cheval noir pour prier la survenue de celle-ci et à l'inverse, un cheval blanc pour qu'elle cesse. Ces équidés donnés aux sanctuaires étaient ensuite élevés dans des écuries spéciales au sein des sanctuaires. Cette pratique se révéla très coûteuse pour les sanctuaires, obligés de prendre grand soin de ces offrandes, mais également pour les pèlerins.
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Aussi certains, dans l’impossibilité d'offrir un cheval, développèrent une tradition substitutive : le cadeau d'une sculpture ou d'une peinture de cheval sur une plaque de bois. Ces tablettes votives appelées ema, littéralement "images de chevaux" remplacent progressivement lesshinme. À partir de la période Muromachi, d'autres sujets que le cheval apparaissent sur les ema. Aujourd'hui très peu de sanctuaires perpétuent la tradition de garder des chevaux dans leurs murs. Le Kompira-san dans la préfecture de Kagawa dispose encore d'une écurie avec deux chevaux à demeure ! Ceux-ci prennent part aux cérémonies du festival tous les 10 octobre. Le Tôshô-gû de Nikko conserve lui aussi une écurie ; un bâtiment orné de la fameuse sculpture des trois singes sages.Il n'est pas rare de voir un faux cheval dans l'ancienne écurie d'un sanctuaire en souvenir de cette tradition. Juste avant de pénétrer dans le célèbre sanctuaire de Miyajima, Itsukushima-jinja, vous observerez ainsi un faux cheval blanc dans son box !
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D'autres rituels shintoïstes font appel à l'équidé.Au Sumiyoshi Taisha d'Osaka, dans la tradition du Ao-uma shinji, voir un cheval blanc (auparavant un cheval noir aux reflets bleutés) au début de l'année protège des mauvais esprits et vous apporte la longévité. Au grand sanctuaire d’Ise, le même présage de bonne fortune vous attend si vous avez l'honneur devoir un cheval sacré conduit par un prêtre très tôt le matin d'un jour comportant le chiffre 1. Les uma dashi matsuri, festivals dans lesquels le cheval sert de monture aux kami, ont toujours cours. Avant la cérémonie, une selle spéciale et un gohei (baguette avec des bandes de papier blanc) sont disposéssur le cheval. Des jeunes gens se tenant de chaque côté de l’animal tiennent fermement les rênes pour permettre à l’esprit du kami de prendre place sur sa monture.
Une culture profondément ancrée
La culture équestre nippone revêt de nombreuses formeshéritées des arts équestres militaires, de rituels shintoïstes et de traditions de cet art militaire de très haut niveau, les archers font preuves d’une habilité exceptionnelle.Vous pouvez assister à des démonstrations de yabusame dans des sanctuaires lorsde festivités, comme au Tsurugaoka Hachiman-gû de Kamakura, chaque année en septembre. Des courses de chevaux, appelées kurabe uma, ont lieu depuis l’époque Heian (794-1185). À l’origine à la cour impériale, ces courses, aujourd’hui intégrées à des cérémonies shintoïstes, se disputent notamment au Kamigamo-jinja de Kyoto tous les 5 mai.
La plus pittoresque célébration de cheval se tient tous les deuxièmes samedis de juin au Morioka Hachiman-gû dans la préfecture d’Iwate. Lors d’une procession de 15 kilomètres entre Takizawa et Morioka, les chevaux aux harnachements multicolores traversent décors urbains et champêtres au son du doux chagu chagu, son produit par leurs clochettes. Le Chagu Chagu Umako se tient en l’honneur de l’animal depuis 200 ans pour célébrer la fin de la période de plantation du riz. Il convient également de citer la cérémonie de rassemblement de chevaux sauvages de Soma, Soma Nomaoi, classé au patrimoine national intangible de la culture folklorique depuis 1978 ; le dakyu, ancien polo japonais, auquel on joue encore lors du festival du sanctuaire Horetsu de Yamagata ou bien encore l’horohiki, déploiement de longues banderoles à cheval.
Le monde hippique
Depuis les premières courses hippiques organisées à Yokohamaen 1862 par les résidents étrangers, les courses sont très populaires dans l'archipel. La JRA, association japonaise des courses établie en 1954, veille àla bonne organisation des courses professionnelles. Au fil des décennies, leJapon s'est hissé au rang de nation de catégorie 1 dans le sport hippique ; organisant des courses internationales du plus haut niveau. Cesdernières années, le succès des chevaux japonais lors des grandes compétitions apropulsé le Japon au 3ème rang mondial du classement hippique des pur-sang.Presque 90% de ces chevaux de compétition dont la réputation est désormais mondiale proviennent de haras d’élevage situés à Hokkaido.
La course la plusprestigieuse du pays, la Japan Cup, inaugurée en 1981, se dispute au mois de novembre à l'hippodrome de Tokyo, situé dans la ville de Fuchu. Celui-ci abrite un musée des courses hippiques depuis 1991. Par ailleurs, un musée du cheval a ouvert ses portes en 1977, sur l'ancien champ de courses de Yokohama à Negishi ; là où sont nées les courses hippiques modernes. Des courses hippiques amateurs ont lieu régulièrement dans tout l'archipel et réunissent des membres de clubs d'équitation de toutes lesrégions. Ces kusakeiba accueillent des compétiteurs de tout âge : des enfants disputant des courses de poney aux personnes âgées !
Par ailleurs, la ville d'Obihiro à Hokkaido organise une course unique au monde depuis plus d'un siècle ; la banei tokachi. Des chevaux de trait pesant près d'une tonne tirent un sulky avec un jockey et une charge (1 tonne environ) sur une piste de sable comportant deux buttes d'obstacles. Au-delà de la vitesse, c'est surtout l'endurance et la puissance du cheval ainsi que la technique du jockey qui permettent de faire la différence dans ce genre de compétition. Impressionnant, n'est-il pas ?