Les jeux de cartes traditionnels japonais 骨牌
Une histoire tumultueuse
Hérités du mondeoccidental au XVIe siècle, les jeux de cartes sont trèspopulaires au Japon. Que ce soit l'Hanafuda, le Menkoou encore l'Uta-garuta, tous ces jeux traditionnels sont encore aujourd'hui très appréciés des petits comme des grands. Pourtant,il n'en a pas toujours été ainsi et jouer aux cartes a longtempsfait l'objet d'un embargo gouvernemental !
Un loisir taboupendant des siècles
L'histoire des jeuxde cartes au Japon est fortement liée au contexte politique du pays.
Introduits au milieudu XVIe siècle par des marins portugais lorsque le Japoncommerce avec l'Europe, les jeux de cartes gagnent rapidement enpopularité sur l'archipel.
Rebaptisées karuta,les cartes à jouer deviennentl'une des activitésfavorites de la noblesse de l'époque.Adepte de l'Uta-awase,unjeu dont le but estde créer des poèmes à partir de coquillages, la hautesociété ne tarde pas à remplacer ces derniers par les cartes, augrand dam du gouvernement qui voit d'un très mauvais œil la passionde l'élite pour les jeux étrangers.
Quelques annéesplus tard, il les fait interdire.
Dès lors, lespremières cartes japonaisesapparaissent. Plus colorées et graphiques que les carteseuropéennes, elles tentent de se démarquer de leurs homologuesoccidentales en arborant des motifs plus proches de l'esthétiquelocale dans l'espoir de détourner l'attention du gouvernement.
Parmi les plusnotables d'entre elles, on compte l'Unsun-Karuta,une version japonisée de notre jeu de 48 cartes ; l'Uta-garuta,où les dessins sontaccompagnés d'unpoème à compléter ; et l'Iroha-karuta,dont chaque carte contient un dicton à destination des enfants. Bienévidemment, tous ces jeux finissent par être sanctionnés.
Avec la fermeture du pays à l'étranger, le XVIIe siècle voit l’État japonais partir en guerre contre tout ce qui serait susceptible de rappeler le monde occidental, y compris les jeux de cartes.
La noblesse ne l'entendant pas de cette oreille, on crée alors des cartes plus japonisées encore : les cartes d'Hanafuda.
Composé de 48 cartes sur le thème de la nature, ce jeu ''adapté'' se veut complètement différent des cartes européennes. Le succès est immédiat, et chaque région crée bientôt sa propre version du jeu. Malgré l'interdiction dont il a fait l'objet pendant plus d'un siècle, l'Hanafuda restera très populaire sous Edo (1603-1868), faisant de lui l'un des jeux clandestins les plus pratiqués du Japon !
Il faudra alors atteindre la réouverture des frontières à l'étranger en 1868, pour pouvoir enfin jouer légalement aux cartes sur le sol japonais. L'activité devient accessible à toutes les classes sociales, et de nouveaux jeux mélangeant esthétiques japonaises et occidentales font même leur apparition. À l'image du Majang, un jeu de cartes basé sur le design des cartes européennes auquel on a ajouté des motifs japonais afin de jouer au Mah-jong.
Aujourd'hui encore, les jeux de cartes japonais souffrent de l'embargo dont ils ont été victimes. Et bien que de nombreuses personnes y jouent, ils restent pour certains d'entre eux toujours associés au milieu clandestin.
Parce qu'il n'y a pas que les cartes Pokémon au Japon
Malgré la centaine de jeux de cartes qui a été produite sous Edo, seule une poignée subsiste encore aujourd'hui. Parmi eux, en voici quatre que vous pourrez vous procurer facilement au Japon :
- Hanafuda
L'Hanafuda est un jeu de 48 cartes séparé en 12 familles de quatre cartes. Chaque famille correspond à un mois de l'année, et les cartes représentent pour la plupart des fleurs ou des animaux. Chaque carte se voit alors attribué un nom en fonction de ce qu'elle représente et capitalise un certain nombre de points : 1 point pour les cartes composées uniquement de motifs végétaux, dites cartes ''simples'', 5 points pour les cartes contenant un poème symbolisé par un morceau de papier, et 10 ou 20 points pour les cartes représentant un animal ou tout autre objet de la nature.
Exemple de jeu : le Koi-koi
Huit cartes sont distribuées à chaque joueur, huit cartes sont également posées sur la table, et le reste de la pile sert de pioche. Chaque joueur doit ensuite former des paires de même mois entre ses cartes et les cartes de la table. S'il ne peut pas, il doit alors piocher pour essayer de former une paire. Le but est de faire le plus de paires possibles afin de réaliser des combinaisons dites ''yaku'' parmi l'ensemble de ses paires (par exemple : quatre cartes à 20 points, cinq cartes à 10 points, etc…). Ces combinaisons sont très importantes puisqu'elles rapportent des points supplémentaires à ajouter à ceux des cartes déjà collectées. Le gagnant est celui qui a le plus de points à la fin de la partie.
- Kabufuda
Le Kabufuda se compose de 40 cartes similaires aux cartes européennes, comportant chacune des chiffres de 1 à 10 représentés généralement sous forme de traits. Chaque jeu compte quatre cartes avec le même chiffre.
Exemple de jeu : l'Oicho-kabu
C'est le baccarat japonais. Le but est d'additionner la valeur de ses trois cartes (en ne comptant que les unités des scores) afin d'obtenir un nombre proche de 9.
Fun fact ? La pire main qu'on puisse avoir à l'Oicho-kabu est ''huit-neuf-trois'', le total des 20 points revenant à zéro, puisque seules les unités sont prises en compte lorsqu'on comptabilise les scores. En Japonais, cette main se nomme ''Hachi-Kyuu-San''. Avec le temps, les Japonais ont alors raccourci phonétiquement le nom de la main pour l'appeler ''Ya-Ku-Za''. On dit que c'est cette appellation qui serait à l'origine du nom de la mafia japonaise.
- Uta-garuta
L'uta-garuta est sûrement le jeu de cartes japonais le plus ancien qui soit encore utilisé.
Composé de 100 cartes, on peut séparer le jeu en deux parties : les Yomifuda (littéralement, ''cartes qu'on lit'') où chaque carte contient le début d'un des cents poèmes de l'Hyakunin Isshu, un recueil de poèmes japonais écrits par 100 poètes différents entre le VIIe et le XIIIe siècles ; et les Torifuda (''les cartes qu'on prend'') qui comportent la fin des poèmes.
Le jeu de l'Uta-garuta
Un arbitre dispose les 50 Torifuda sur le sol et pioche tour à tour une Yomifuda. Les joueurs doivent alors retrouver le plus rapidement possible la Torifuda qui contient la fin du poème énoncé. En plus d'être rapide, il faut donc avoir une bonne mémoire !
- Menko
Les cartes du Menko peuvent prendre différentes formes. Tantôt rondes, tantôt carrées, elles représentent généralement une tête de ninja ou de samouraï.
Elles donnent alors leur nom au jeu du Menko, un jeu où les joueurs doivent retourner la carte de l'adversaire en jetant son propre Menko dessus. S'il réussit, il remporte la carte de son concurrent. S'il perd, il doit céder sa carte.
Aujourd'hui il existe des centaines de déclinaisons de ce jeu, des cartes représentant des personnages de mangas, à celles à l'effigie de joueurs de base-ball professionnels. Une aubaine pour les enfants qui aiment en faire la collection.