Tobita Shinchi, le plus grand quartier rouge de l'ouest du Japon
Histoire et évolution de Tobita Shinchi, de sa fondation à nos jours
Tobita Shinchi (飛田新地) ou Tobita Yūkaku (飛田遊郭) est le plus grand quartier de prostitution de l'ouest du Japon. Il se trouve dans l'arrondissement Nishinari-ku d'Osaka. Jusqu'en 1958, il était le plus grand quartier chaud du Japon, alors que la prostitution était autorisée. Après son interdiction, les nouvelles lois n'ont pas eu beaucoup d'effet sur le quartier, puisque les bordels se présentent maintenant comme des « restaurants de style japonais ».
Le quartier a vu le jour au début des années 1900 pour devenir le plus vaste quartier des plaisirs de l'Ouest du Japon, malgré l'interdiction officielle de la prostitution depuis 1958. Cependant, les anciennes maisons closes, alignées les unes à côté des autres, ont eu beau s'être officiellement reconverties en "restaurants de cuisine japonaise" (料亭ryoutei), et les dames qui les occupaient déclarées "serveuses", nombre de ces établissements ne font même pas l'effort de cacher leur activité.
Fonctionnement des "restaurants de style japonais", les maisons closes de Tobita
Il est donc aisé de voir au rez-de-chaussée, une pièce "vitrine" où une prostituée – en tenue sexy ou encore déguisée (souvent en écolière ou en infirmière) – est exposée, assise sous un violent éclairage. Devant elle se tient une autre femme plus âgée qui racole les passants. Juste à côté de la pièce, se trouve un escalier pour monter à l'étage…
A Tobita, une jeune femme attend le client dans l'entrée (genkan) de l'établissement ou dans un living parfaitement visible depuis la rue, ce qui est inhabituel pour le Japon. Une femme plus âgée attend aussi dans le genkan et apostrophe les passants avec des expressions comme « Je vous en prie, jeune homme » (どうぞ、お兄さん, dōzo, onii-san ).
Bien que la prostitution soit officiellement interdite, les activités pratiquées dans le quartier rouge sont sans équivoque. Les anciennes maisons closes, alignées les unes à côté des autres, ont eu beau s'être officiellement reconverties en "restaurant de cuisine japonaise", nombre de ces établissements ne font même pas l'effort de cacher leur activité.
Ambiance et atmosphère unique du quartier, un voyage dans le passé
Situé dans l'un des quartiers les plus pauvres du sud d'Osaka, coincé entre une cité HLM, un pont routier et une rue commerçante délabrée, Tobita Shinchi est décidément bien sordide…
Cependant, malgré son côté glauque et déprimant, il peut être intéressant d'aller y faire un tour. L'atmosphère y est très particulière et offre un véritable voyage dans le passé.
Ce quartier populaire ayant échappé aux spéculations immobilières, on y retrouve une ambiance de l'ère Taisho (1912-1925) avec de vieux bâtiments qui n'ont subsisté que dans cette partie de la ville. Bien sûr, la plupart sont décrépis mais il existe encore d'anciennes bâtisses en bois avec de très jolies sculptures de vieux panneaux publicitaires ou encore de vieilles lanternes qui éclairent les devantures.
Ni traditionnel, ni high-tech, à mille lieues des endroits touristiques, Tobita Shinchi, sordide mais authentique, offre une version très différente, mais non moins réelle, de l'image que l'on a du Japon.
Le Taiyoshi Hyakuban, ancien bordel classé bien culturel matériel
Si bien que la municipalité a fini par s'intéresser à cette architecture du siècle dernier et qu'en 2000, le bâtiment Taiyoshi-Hyaku Ban (鯛よし百番) fut déclaré bien culturel matériel. Construit en 1918 pour abriter une maison close puis reconverti en restaurant en 1970, les vingt et une pièces qui le formaient sont presque comme à l'origine. Ici, rien de la sobriété légendaire de l'architecture et de la décoration japonaises.
On y trouve des imitations de temples, de ponts, de pontons, des sculptures chargées, des peintures murales exubérantes, bref, une décoration foisonnante et un dépaysement assuré.
Et pourtant, ce complexe richement décoré datant de l'ère Taisho (1912-1926) est l'âme historique du quartier : il était à l'origine une luxueuse maison close. « La majeure partie de l'architecture japonaise d'il y a un siècle ou plus a brûlé durant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ou dans des incendies », souligne Shinya Hashizume, professeur d'histoire de l'architecture à l'université du département d'Osaka. « Les anciens bâtiments de maisons closes ont très rarement survécu », ajoute M. Hashizume lors d'une visite sur place avec l'AFP. Aussi ce lieu « est important, car il est resté pratiquement intact ».
Deux fermetures exceptionnelles dans l'histoire récente de Tobita
L'association des restaurants de Tobita a pris la décision d'interrompre ses activités deux fois dans son histoire :
- le 24 février 1989, lors des funérailles de l'empereur Hiro Hito
- les 28 et 29 juin 2019, lors de la tenue du sommet du G20 à Osaka
Ces fermetures témoignent du caractère exceptionnel de ces deux événements et de la volonté du quartier de montrer une certaine retenue en de telles circonstances.
Tobita Shinchi et la politique : Toru Hashimoto, ex-maire d'Osaka
L'ancien maire d'Osaka, Toru Hashimoto, a travaillé comme conseiller juridique à l'Association des restaurants de Tobita. Cette information a suscité la polémique et des questionnements sur les liens entre le quartier rouge et le monde politique local.
En 2013, le maire Hashimoto a en effet vivement été critiqué après des déclarations controversées sur les "femmes de réconfort" de la Seconde Guerre mondiale et sur l'usage de la prostitution par les armées en général. On lui a ainsi reproché son manque de respect pour les femmes et pour l'égalité des genres, une attitude qui expliquerait la faible participation des femmes dans son parti et un manque d'attrait parmi les électrices.
Ces propos ont à nouveau souligné les liens existants entre la prostitution et le pouvoir politique au Japon, même si officiellement interdite.
Informations pratiques pour visiter Tobita Shinchi
Malgré son atmosphère sordide, Tobita Shinchi reste intéressant à visiter pour s'imprégner de l'ambiance si particulière de ce quartier hors du temps et découvrir une facette méconnue d'Osaka.
- Avis aux photographes : le lieu étant "sensible", il est très difficile de prendre des photos, même des bâtiments. Il vaut mieux ne pas sortir son appareil photo. La prise de photo des prostituées et des établissements est formellement interdite et peut s'avérer risquée.
Adresse - Horaires - Accès
Adresse
Horaires
Mieux vaut éviter de s'y rendre la nuit tombée et rester vigilantPrix
Gratuit pour visiter le quartier.Accès
- Station Dobutsuen-mae sur la Midosuji Line ou la Sakaisuji Line puis 5/10 minutes de marche.
- Station Shin Imamiya sur la Loop Line ou la Nankai Line puis 5/10 minutes de marche.
- Station Ebisucho sur la Sakaisuji Line puis 5 minutes de marche.