Indémodable, mais fragile, sakura

Cerisiers en fleurs à Tokyo

Cerisiers en fleurs à Tokyo

Agathe Marty

Les cerisiers en fleurs continuent de faire courir les Japonais. Avec raison.

Discussion autour du lien entre le Japon et les Sakura, avec le secrétaire général de l'Association japonaise pour les cerisiers.

Un passage au parc de Shinjuku à Tokyo, un des spots d’observation les plus réputés du pays, le démontre : sous des toits de fleurs blanches, des groupes de Japonais ont déplié des bâches et sorti leur nécessaire à pique-nique. Autour des arbres gravitent, telles des toupies, les proverbiaux photographes amateurs nippons, harnachés comme pour un safari africain à la recherche du plus beau cliché, tentant d’éviter les touristes qui gâcheraient la photo. Avec beaucoup de peine tant ces derniers se montrent remuants et inventifs : jeunes mariés, photographes de mode, retraités chinois, copines en goguette… Tous vivent un bref et exceptionnel instant de leur vie. Comme le cerisier.

L’engouement des Japonais pour les cerisiers en fleurs est bien connu et documenté. Il serait né au moment de l’époque Heian (794-1185) à la cour Impériale, puis aurait progressivement gagné la classe guerrière des samouraïs pour finir par celle du commun des mortels. Ces derniers continuent de se presser en masse à leurs pieds à chaque printemps ; ils font alors l’objet de bulletins d’informations à l’apparition des premiers pétales, au sud, à Okinawa, jusqu’à leur disparition au nord, à Hokkaïdo. Cette déferlante verticale de fleurs rappelle le caractère très "latitudinal" l'archipel, étroit et long : on n’est jamais à plus de 200 kilomètres de la mer au Japon, avec son territoire étiré sur 3500 kilomètres du nord au sud.

 

 

Cerisier en fleurs au temple Senso-ji, Asakusa

Cerisier en fleurs au temple Senso-ji, Asakusa

Yu Kato

Enfin, le cerisier en fleur représente l’attachement à la nature, comme assiégée dans des métropoles de plus en plus massives, verticales, intimidantes, où parcs et jardins rétrécissent à l’ombre des gratte-ciels. Le sakura n’est jamais plus touchant qu’en pleine rue à Tokyo, épargné par le béton qui recouvre tout. Malgré sa fragilité, il peut aussi être vu comme le symbole des vertus militaires et notamment du sacrifice des jeunes kamikazés pendant la seconde guerre mondiale. 

En ces temps de paix et de prochaine coupe du monde de rugby en 2019, l’équipe nationale japonaise est surnommée les Brave Blossoms, ou "fleurs braves", évoquant irrésistiblement les Cherry blossoms (cerisiers en fleurs).

Fleurs de cerisier

Fleurs de cerisier

Banter Snaps

La floraison des cerisiers est peut-être aussi un chef-d’œuvre en péril. Comment échapperait-elle aux bouleversements climatiques ? 

"Déjà la saison des pluies n’est plus la même", s’inquiète Nobuyuki Asada. Les changements brusques et fréquents de température, les jours de pluie combinés à ceux de grand soleil à cette période de l’année rendent ce miracle très hasardeux. "Si un Français veut faire une tournée des hanami au Japon, je lui recommande de choisir son itinéraire en fonction de la floraison des cerisiers du sud au nord. Chaque région a son intérêt et sa particularité. L’important est de pouvoir observer les cerisiers depuis le début de la floraison jusqu’à la chute des pétales", conseille-t-il. 

À bon entendeur…

Mont Fuji et cerisiers en fleurs

Mont Fuji et cerisiers en fleurs

Daniel Hehn

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