Asako Watanabe, la seule femme productrice de saké à Gifu 渡邊愛佐子 のインタビュー
"Le savoir-faire traditionnel a fait notre réputation"
AsakoWatanabe est l'une des rares femmes maître de chai (tôji) au Japon. Elle produit sonsaké au sud de la préfecture de Gifu, près de Nagoya, en suivant le savoir-faire traditionnel de safamille. Interview réalisée avec la participation du Centre européen d'études japonaises d'Alsace.
Vivre leJapon : Depuis combien de temps êtes-vous maître de chai ?
Asako Watanabe : Je produis dunihonshu (l'autre dénomination du saké, un alcool de riz, ndlr) depuis 1998. Après mes études à l’université, je me suis formée dans une cave à saké de la préfecture de Yamanashi. J'ai par la suite pris la tête de la brasseriefamiliale Shuzojo, fondée en 1902 dans ma ville natale à Ogaki, réputée pour laqualité de son eau. Je suis la quatrième génération des Watanabe dans laprofession.
VLJ :Pourquoi avoir choisi cette voie ?
AW : Par plaisir et par curiosité pour le processus defabrication. Au lieu de requérir de la force, il demande de l'habileté. Il fautsavoir gérer, de la manière la plus ingénieuse possible, les éléments naturelsqui vont œuvrer pour créer le produit. C'est ce savoir-faire au moment de laproduction qui est à l’origine des qualités du saké et qui m'a motivée à melancer dans cette profession passionnante.
"Avec l'énergie et la persévérance, tout est possible"
VLJ : Est-cedifficile pour une femme de s'imposer dans ce milieu ?
AW : Les ateliers de production de saké nepermettaient pas aux femmes d’entrer et d’œuvrer dans leurs locaux. Ce n’estque très récemment qu’elles ont été autorisées à travailler dans ce domaine.Malgré cette ouverture, les femmes maîtres de chai sont peu nombreuses et, dansma préfecture, je suis la seule. Mais à notre époque, quand on a de l’énergie etde la persévérance, je pense que c’est tout à fait possible d’y arriver. Ilfaut une certaine résistance physique, car sur les lieux de confection du saké,il fait aussi froid que dans un réfrigérateur. L’esprit d’équipe est aussinécessaire, on ne fabrique pas du saké seule. Si vous avez un caractèresuffisamment trempé pour être opérationnelle dans ce type d’environnement,alors ça va. Néanmoins le nombre de femmes qui travaillent dans le domainen’augmente pas vraiment.
VLJ : Avez-vous une recette particulière ?
AW : Comme vous le savez, le saké est fait àpartir de riz. Nous utilisons du riz local et l’eau souterraine qui alimentele fleuve Ibi pour la fabrication. Pour obtenir l’alcool, nous utilisons une levure appelée kôbo, mais celle-ci n’œuvre pas sur le riz. On doit ainsiajouter auparavant une enzyme (kôji) qui va changer l’amidon du riz en sucre lors dela fermentation. Le processus de fabrication prend un mois. C’est dans cettemaîtrise des deux enzymes que résident le savoir-faire du maître de chai et lasaveur finale de la boisson.
Concernant la technique, je souhaite à la fois conserver lesavoir-faire traditionnel qui a fait notre réputation auprès des clients, maisaussi relever de nouveaux défis et créer de nouvelles saveurs qui puissenttoucher les consommateurs.
VLJ : Qu'est-ce qui caractérise votre saké ?
AW : Mon saké « Blanche-Neige »exprime avec intensité les saveurs du riz à partir duquel il a été confectionné.
Je commercialise une autre version de ce saké, non filtrée et decouleur blanche. Le liquide obtenu après la fermentationest essoré dans un tissu. Selon le degré d’essorage et de filtrage, il restedes particules de riz molles qui flottent encore après la fermentation. C’estce qui explique la différence de couleur, blanche ou transparente, selon lessakés. Son nom, "Asachan doburoku", estle diminutif de mon prénom, Asako (doburoku est une variété de saké caractériséepar une apparence laiteuse, ndlr).
Une troisième référence, "Minonishiki", est un sakétraditionnel produit depuis plusieurs générations dans notre maison. Son nomest issu de l’ancienne dénomination de la province, "Mino", et de "nishiki", qui fait référence à une qualité de riz.
L'ensemble de mes sakés titrent à 15 degrés en moyenne.
"Le climat a une influence sur le goût"
VLJ : Quelle quantité produisez-vous ?
AW : Environ 30 000 litres. Maproduction est distribuée au Japon, elle n’est pas encore présente àl’étranger.
VJL :Le nihonshu est un alcool local, qu’est-ce qui caractérise celui de Gifu ?
AW : La région de Gifu est une régionglobalement montagneuse, mais il y a des climats différents, entre par exempleles chaînes de montagnes de Hida/Takayama et la plaine de Nôbi. Dans la mesureoù le climat a une influence sur le goût du saké, il semble délicat de parlerd’une caractéristique unique, spécifique au saké du département de Gifu.
VLJ :Est-ce que le saké souffre de la concurrence d’autres alcools, comme le whisky ?
AW : Non, nous ne le ressentons pas. Je penseque ce qui menace le secteur, c’est plutôt l’éloignement croissant des jeunesvis-à-vis de l’alcool.
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